Pardon 2022

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23 et 24 juillet 2022
Samedi 20 août 2022 — Dernier ajout lundi 24 juillet 2023
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Les préliminaires

Nous nous sommes réveillés tardivement pour préparer le pardon. En effet, ce n’est qu’à la mi-juin que les acteurs de l’événement (la paroisse, la mairie, l’association Sources des Sept-Dormants et Tud ar Seizh Sant) se sont réunis pour s’accorder sur le « qui fait quoi ? » dans les préparatifs.
L’association Sources des Sept Dormants avait déjà, depuis plusieurs mois, décidé que la rencontre traditionnelle du samedi après-midi à la salle des fêtes du Vieux-Marché serait aménagée pour lui permettre d’accueillir le groupe des pèlerins-marcheurs arrivant aux Sept-Saints en fin d’après-midi. Et le thème de cette rencontre était en lien direct avec son projet de livre-CD dont la mise en œuvre était bien avancée.
Cette réunion a permis de s’accorder sur une communication commune et de préciser l’aide de la mairie compte-tenu de l’affaiblissement des forces vives des associations (vieillissement, déménagements…).
Ces préparatifs ont été bousculés par les aléas de la conjoncture : la COVID a sévi parmi nous, et le tantad n’a pas été autorisé par la préfecture à cause de la sécheresse…

Notre association a été sollicitée, directement ou par l’intermédiaire de la mairie, par de nombreuses demandes d’information et d’accueil. Parmi celles-ci :

  • la demande d’un éducateur au Centre de mise à l’abri pour les mineurs isolés à Paris (géré par l’association Coallia) d’un éventuel accueil de ces jeunes, en majorité musulmans, projet qui n’a pu être mis à exécution en raison de contraintes administratives insurmontables ;
  • celle du groupe de dialogue islamo-chrétien de Nantes, qui a pu être accueilli à l’hôtel de Plouaret ;
  • celle d’un réalisateur d’origine polonaise qui projette un film sur Louis Massignon et le dialogue islamo-chrétien.

Une demande récurrente est celle des possibilités d’hébergement à l’occasion du pardon.
Pour mémoire, le pardonneur initialement choisi par Mgr Moutel était l’abbé Gérard Épiard, prêtre du diocèse de Nantes, longtemps en charge du service diocésain des relations avec l’Islam. Sa santé ne lui ayant pas permis d’honorer cette invitation, il a été remplacé par le frère Jean-François Bour, qui avait occupé la même fonction au diocèse de Tours, et qui vient d’être nommé Directeur du Service national pour les relations avec les musulmans par la Conférence des Évêques de France.
C’est l’implication pour le pardon 2022 de ces deux ecclésiastiques qui a motivé les groupes de dialogue islamo-chrétien de Nantes et de Tours pour y participer cette année en tant que groupes.

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Le samedi

Comme annoncé, le groupe des pèlerins-marcheurs est parti du Yaudet à 8h30.

Prêts à partir !

Il a grossi à la gare de Lannion, puis a été rejoint à Tonquédec pour le pique-nique par le groupe deNantes et par le pardonneur.
Le groupe de Tours les a aussi rejoint mais avec beaucoup de difficulté : la signalisation dans la forêt est parfois difficile à interpréter !…

Pendant que les pèlerins-marcheurs se préparaient à quitter Tonquédec, la rencontre organisée par l’Association Sources des Sept-Dormants s’ouvrait à la salle des fêtes du bourg. Nous y avons entendu trois interventions autour du thème « Les Dormants d’Éphèse au Vieux-Marché et dans le Coran » :

  • celle de Manoël Pénicaud, dont la thèse d’anthropologie avait pour titre Le réveil des sept Dormants-Un pèlerinage islamo-chrétien en Bretagne,
  • celle de Carole-Latifa Ameer, directrice artistique du Festival de Fès de la culture soufie, et d’Abderrahmane Mameri, chanteur spirituel et comédien,
  • et celle de Christian Rivoalen, chanteur traditionnel breton et animateur-conservateur du réseau Basse-Bretagne de l’association Datsum.
Vue de l’assistance le samedi après-midi

Manoël Pénicaud, toujours aussi passionné par la figure de Louis Massignon, nous a donné à découvrir comment ce dernier avait été amené à rapprocher la gwerz du pardon des Sept-Saints de la sourate coranique des « Gens de la Caverne ».
Carole-Latifa Ameer et Abderrahmane Mameri nous ont introduits à l’exégèse soufie de la sourate en question en faisant alterner l’évocation des symboles de la sourate avec des commentaires chantés de cette sourate.
Après une pause où a été servi du thé glacé accompagné de petits gâteaux, Christian Rivoalen nous a retracé l’histoire de la gwerz des Sept-Saints et de ses différentes versions.

Les pèlerins-marcheurs sont arrivés aux Sept-Saints plus tôt que prévu, ce qui a bousculé la fin de la rencontre. Ils ont été accueillis par le thé glacé et les petits gâteaux mis de côté pour eux. Une soupe et du pain pétri et cuit « maison » préparés et servis par Sébastien Le Guillou et ses amis ont été offerts aux pèlerins-marcheurs. Tous ceux et toutes celles qui étaient sur place ont pu aussi en profiter.

Arrivée des pélerins-marcheurs

La buvette et les galettes et crêpes de Tud ar Seizh Sant venaient compléter le repas de celles et ceux qui attendaient la messe à 21 h. D’autres sont descendus se restaurer « en ville ».

À 20h45, la cloche de la chapelle a appelé à la messe. La chapelle était pleine ; il y avait au moins une vingtaine de personnes à l’extérieur, pour qui la visibilité était difficile, mais la sono prêtée par la mairie atténuait leur frustration… La ferveur des pèlerins était soutenue par la qualité de la célébration : la chorale de la paroisse et son accompagnement à l’orgue (portatif) était au top, les textes bibliques et les intentions de la prière universelle étaient bien lus et l’homélie était riche (quoique dépassant largement les 7 mn recommandées par le pape François…).

Messe dans la chapelle

La gwerz des Sept-Saints a fait l’objet, cette année, de deux nouveautés.
En premier lieu, les premières strophes, chantées par la chorale, ont joué leur rôle de chant d’entrée pour la messe, ce qui n’était pas le cas avant.
Et d’autre part, pour la procession qui a suivi la messe, les 11 couplets en avaient été choisis de façon à ce que toute l’histoire des Sept Saints y soit racontée. Chantés par notre soliste bretonnant au talent reconnu, ils étaient scandés par le refrain repris par tous et toutes ; une feuille avec les couplets choisis et leur traduction permettaient aux pèlerins de s’y associer. Nous aimerions que cette feuille devienne, pour le pardon des Sept-Saints des années à venir, l’analogue des feuilles éditées par Auguste Bocher au début du XXe siècle.

La procession s’est arrêtée sur la place, devant la croix qui la domine. Avant d’entonner le Magnificat et le cantique à sainte Anne, il nous a été donné à entendre quelques phrases d’évangile suivies d’une courte méditation du pardonneur.

La procession s’est arrêtée sur la place, devant la croix qui la domine.

Après la procession, place à la musique et à la fête. Cette année, ce fut une totale improvisation, très appréciée, animée tantôt par notre chanteur du répertoire arabo-andalou Abderrahmane, tantôt par le trio acordéon-flûte-tambour des amis de Sébastien, tantôt par Christian, le chanteur habitué aux fest-noz…

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Le dimanche

La journée a commencé à 10h30 par la célébration de la messe à la chapelle. Dès 10h, la chapelle se remplissait ; comme la veille, des places avaient été réservées au premier rang pour les musulmans. À quelques détails près, cette messe ne différait pas de celle de la veille. Il y avait nettement plus de monde à l’extérieur que la veille.

Déambulation vers la fontaine

Vers midi, une bonne partie des fidèles accompagnant les célébrants en habits liturgiques entraîna dans sa déambulation vers la fontaine des Sept-Saints, 500 m plus bas, celles et ceux qui étaient venus y entendre la sourate coranique des Gens de la Caverne.
Et comme depuis quelques années, la foule fit halte au pilier « Paix » pour entendre le message de ceux et celles qui ne se reconnaissent dans aucune religion.
Cette année, c’est le Dr Joël Leroux, à l’origine de l’association Sources des Spet Dormants qui porta ce message.
Pour évoquer l’actualité qui contredit le mot « PAIX » gravé sur le pilier en français, en breton et en arabe, en particulier la guerre en Ukraine, la prière du Notre Père en slavon (la langue liturgique slave en usage en Ukraine) nous a été chantée…
La montée vers la fontaine fut rude pour certains et sertaines. On a cependant vu des bras vigoureux pousser, et même soulever un fauteuil roulant pour permettre à son occupante de participer à ce temps.

Introduite par Mehand Iheddadene, l’imam de la communauté musulmane de Lannion, la psalmodie de la sourate alternait avec la lecture de la traduction de ce qui venait d’être chanté.

Psalmodie de la Sourate 18

La beauté de la voix d’Abderrahmane, le psalmodieur, et la qualité de la lecture, portée alternativement par une voix masculine et féminine, nous ont rendu sensibles à ce texte sacré des musulmans. Un court commentaire de Mehand en actualisait le message. Quelques interventions se sont manifestées avant que ne soient offerts les dattes, fournies en abondance, accompagnées par du lait (bio du matin)…

La place des Sept-Saints accueillit celles et ceux qui souhaitaient rester sur place soit pour pique-niquer en groupe ou en famille, soit pour se faire servir une galette et/ou une crêpe, et/ou du café, et/ou de la boisson, servis par l’association Tud ar Seizh Sant.

Vers 14h30, un dernier rendez-vous à la chapelle était proposé pour entendre des témoignages de pèlerins.

Carole-Latifa Ammer, Abderrahmane Mameri et Jean-François Bour

La parole fut d’abord donnée au pardonneur, le frère Jean-François Bour, qui a décrit le choc vécu lorsque, jeune dominicain venu d’une famille enracinée dans le bassin minier de la Lorraine, il est arrivé au Caire. Ce qui l’a séduit et l’a amené à se passionner pour l’Islam, c’est la beauté de la langue arabe dans laquelle il s’est trouvé immergé.
La parole a été aussi donnée aux deux groupes, l’un venu de Tours et l’autre de Nantes, où le dialogue islamo-chrétien est vécu depuis plusieurs années. Celui de Tours fait se rencontrer des femmes autour d’un café qui, à partir d’échanges sur leur quotidien, en arrivent à découvrir la richesse de leurs traditions respectives. Dans celui de Nantes, il y avait deux couples de deux générations différentes ; l’un d’entre eux, religieusement mixte, avait fêté l’an dernier son 50e anniversaire de mariage et était à l’origine d’un groupe de foyers islamo-chrétiens. De ces deux groupes, presque tous et toutes ont pris la parole pour évoquer ce dialogue. Et je crois que ce n’était pas rien, en particulier pour les femmes musulmanes, de le faire dans une chapelle devant un auditoire d’inconnu(e)s…
Puis le collectif ESPOIRS [1], de Lannion, né en 2015 à la suite d’une initiative des musulmans venus à la sortie de la messe à la rencontre des chrétiens à la suite de l’assassinat du Père HAMEL, a évoqué la marche-pèlerinage de la veille, où se côtoyaient toutes les générations. C’est ainsi qu’un adolescent de 12 ans a pu découvrir que l’arrière-grand-mère musulmane à côté de qui il marchait, avait été mariée dans son pays d’origine à 12 ans…

Nous avons aussi entendu Carole-Latifa Ameer et Abderrahmane Mameri, appartenant tous deux à une confrérie soufie, parler de leur découverte des Sept-Saints à l’occasion de l’enregistrement du CD en vue du livre-CD Les Dormants d’Éphèse, au Vieux-Marché et dans le Coran en janvier dernier. C’est la curiosité artistique qui a conduit Carole jusqu’en Inde où elle a découvert le soufisme. Quant à Abderrahmane, né en Algérie pendant la décennie noire, il termine des études en France. L’art de la psalmodie du Coran, à laquelle il a été initié dans sa jeunesse et la maîtrise du répertoire arabo-andalou qu’il cultive sont les moyens de transmettre la beauté sans oublier l’obscurité du monde…

Bérengère Massignon nous a rappelé que c’est l’an dernier, à l’ouverture du pardon 2021, qu’a été ouvert le site https://louismassignon.fr. Elle nous a également rappelé que l’année 2022 est celle du 60e anniversaire de la mort de son grand-père, ainsi que celle du centenaire du dépôt en Sorbonne de la thèse de Louis Massignon en histoire religieuse consacrée au mystique musulman Al-Hallaj, qui avait été martyrisé et crucifié à Bagdad exactement 1000 ans auparavant.
Pour ma part, je suis intervenue pour rappeler toute l’importance que devait avoir au pardon, à mes yeux, la parole de ceux et celles qui ne se reconnaissent dans aucune religion. En effet, si Louis Massignon était « Le catholique musulman », comme le décrit Manoël Pénicaud dans la biographie qu’il lui a consacrée récemment, il a été aussi un homme engagé pour « une paix sereine sur les deux rives de la Méditerranée ».
Une des personnes présentes s’est alors manifestée pour évoquer le sort de jeunes migrants isolés à Saint-Brieuc, pris en charge par le CAJMA22 (Collectif d’Accueil des Jeunes Migrants À la rue des Côtes d’Armor) et dont la majorité musulmane est ignorée de la communauté musulmane de Saint-Brieuc…

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En conclusion…

À l’année prochaine…

Pour ma part, je retiendrai de cette édition 2022 du Pardon des Sept-Saints / Pèlerinage islamo-chrétien les choses suivantes :

  1. Cette année, les musulmans étaient là, non seulement comme pèlerins venus seuls ou en famille, mais aussi dans des groupes où le dialogue interreligieux existe depuis plusieurs années. Et cette présence de groupes de dialogue les a rendus non seulement visibles, mais engagés.
  2. La présence de personnes ne se reconnaissant dans aucune religion, bien que discrète, a été réelle, porteuse du souci de faire face aux défis humanitaires qui nous entourent.
  3. À la différence des éditions anté-Covidiennes du pardon, aussi bien les intervenants à la rencontre du samedi que le pardonneur et les acteurs musulmans à la fontaine, avaient au plus la cinquantaine. La relève des générations est en marche ; il ne tient qu’à nous de l’encourager !…

Et comme le répète à l’envi Sébastien : « Le pardon des Sept-Saints a existé avant nous, et il existera après nous… ».
Alors au revoir !… Et à l’année prochaine !…

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Les photos sont dues à Manoël Pénicaud, à l’exception de la première, qui nous a été communiquée par le collectif ESPOIRS, et de la deuxième, due à Bertrand Morbieu. Qu’ils soient remerciés de les avoir mis à disposition.

[1Acronyme de « Écoute et Solidarité pour un Partage et une Ouverture Inter-Religieuse et Spirituelle ».

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