Pardon 2024

Pardon 2024 : Homélie du dimanche 28 juillet. Enregistrer au format PDF Voir la version PDF

Jeudi 8 août 2024 — Dernier ajout vendredi 9 août 2024

Homélie lors de la messe à la chapelle des Sept-Saints par le cardinal Cristobal Lopez Romero, salésien de Don Bosco.

Bonjour à tous. Je suis content d’être ici et de vivre avec vous cette expérience de dialogue, de rencontre entre islamo-chrétiens au sein de cet événement qu’est le Pardon des Sept Dormants au Vieux-Marché.
Depuis 70 ans, il accueille des chrétiens, des musulmans et des personnes de bonne volonté, tous engagés à construire un monde nouveau où la paix l’emporte sur la guerre, la justice sur l’injustice et l’amour sur la haine. Commençons donc par reconnaître tout ce qui, au-dedans de nous-mêmes, s’oppose à ce monde nouveau qu’est le Royaume de Dieu. Reconnaissons tout ce qui l’empêche de grandir et de s’établir dans notre histoire. Demandons pardon en accueillant la miséricorde de Dieu qui est infinie.

Un geste, un partage

Cinq pains et deux poissons ont suffit pour nourrir une grande foule. Jésus pouvait convertir les pierres en pains ; déjà le diable avait tenté Jésus dans ce sens, en l’invitant à faire un tel geste.
Mais non, Jésus pour accomplir sa mission, qui consiste à annoncer, inaugurer et construire le Royaume de Dieu, veut et demande notre collaboration, notre implication, notre engagement.

Cinq pains et deux poissons… « Ce n’est rien pour tant de monde », dit André, le frère de Pierre, et il a raison. Mais cela suffit. Un jeune garçon, sans prénom, c’est-à-dire chacun de nous, a renoncé à ce qu’il possède en le mettant à la disposition de tous. Il a partagé et le miracle a eu lieu grâce à Jésus. Le miracle du partage tout d’abord !

N’est-ce pas ce qu’on nous demande ? Le défi est de partager ce que nous avons ; plus encore, le partage de ce que nous vivons et ce que nous sommes. Ici, ce matin, nous partageons notre foi, notre spiritualité, notre expérience de Dieu. Cela suffit pour commencer, pour que Dieu se mette à l’œuvre et fasse le reste, pour que Jésus fasse ce qu’il faut faire.

Multiplier les pains, c’est le miracle que seul Dieu peut faire. Partager les pains que nous avons, en petite ou en grande quantité, c’est le miracle que nous pouvons et que nous devons faire pour que le monde change et que le Règne vienne.

Un signe : la cloche de l’unité

Nous sommes venus ici en répondant à l’appel symbolique de la cloche de cette chapelle.
La deuxième lecture nous dit que notre vocation nous a tous appelés à une seule espérance, parce qu’il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul Dieu au-dessus de tous, par tous et en tous.

Dans cette chapelle, où le père Benjamin Le Caër, mon confrère salésien, fils du Vieux-Marché, avait célébré sa première messe ; dans cette chapelle il y a une cloche qui, depuis la cathédrale d’Alger, avait appelé chrétiens et musulmans à la prière.

Ce n’est pas par hasard si cette cloche est arrivée ici. Écoutez, je vais vous lire ce qui a été écrit dessus quand elle a été transférée au Vieux-Marché :

JE ME NOMME AUGUSTINE.
J’AI ÉTÉ FONDUE L’AN DE NOTRE SEIGNEUR 1868.
J’AI ÉTÉ BAPTISÉE PAR MONSEIGNEUR CHARLES-MARTIAL-ALLEMAND LAVIGERIE,
PREMIER ARCHEVÊQUE D’ALGER LE 25 MARS
JOUR DE L’ANNONCIATION DE LA BIENHEUREUSE VIERGE MARIE…

Inscription :

Venite Adoremus, Venez chrétiens et musulmans et ensemble adorons le Seigneur.
Je l’ai chanté à la cathédrale d’Alger jusqu’en 1963.
Je continue de le chanter au Vieux-Marché, paroisse des Sept-Saints, à la demande de M. l’abbé François Riou recteur, de M. Menut maire et des paroissiens, François Kervéadou, évêque du diocèse.
Accueillie le 22 juillet 1965.
Appelez-moi Cloche de l’unité.

Ce signe, cette cloche nous appelle tous à l’unité, sans cacher ni renoncer à nos différences qui nous enrichissent mutuellement.

Ce pardon, cette rencontre islamo-chrétienne, est déjà un signe, une cloche qui résonne dans le monde entier, en appelant à l’unité. « Gardez l’unité dans l’Esprit par le lien de la paix », nous dit Saint Paul dans la deuxième lecture.

Un engagement : le dialogue

Le chemin à parcourir est le dialogue. La méthode à utiliser est le dialogue, le partage, la collaboration, le travail en commun.

Je viens d’une Église, celle du diocèse de Rabat, qui aime se définir comme une « Église sacrement du dialogue et de la rencontre ». Permettez-moi de vous dire que lorsqu’on prononce le mot « dialogue interreligieux », dans notre cas islamo-chrétien, beaucoup de personnes décrochent, en se disant : « Ah, bon, cela ne me concerne pas, c’est la tâche des curés, des théologiens, des experts, des spécialistes. » Non, absolument pas. Pour nous le dialogue consiste, tout d’abord et principalement, en la rencontre dans la vie quotidienne, dans la vie ordinaire, au jour le jour. Et cela nous concerne tous.

Au Maroc, la plupart des chrétiens sont des étudiants subsahariens, venus de beaucoup de pays d’Afrique. Ils passent tout leur temps dans les salles de classe des universités avec des étudiants marocains musulmans. C’est là qu’ils vivent l’expérience du dialogue islamo-chrétien.

Même chose pour les diplomates et les expatriés chrétiens : ils travaillent tout le temps avec des musulmans et habitent au milieu des musulmans. La convivialité, le bon voisinage, la connaissance mutuelle, le respect, l’entraide… tout cela est le dialogue de la vie, dans lequel nous sommes tous engagés.

Cette phase du dialogue -le dialogue de la vie nous conduit d’une façon logique et naturelle à collaborer, c’est-à-dire à travailler ensemble dans les grandes causes de l’humanité : l’éducation, la santé, les droits de l’homme, la protection des enfants, la promotion de la femme, le développement, la culture, etc. Travailler ensemble dans les associations, les organisations de la société civile nous aide à approfondir notre connaissance mutuelle, à nous respecter et à nous apprécier davantage. C’est le dialogue des œuvres, du travail. Si tout le monde ne peut y parvenir, ils sont beaucoup à vivre cette expérience.

D’une façon parfois spontanée, parfois préparée et cherchée, on arrive à partager l’expérience religieuse, l’expérience de Dieu, la foi. Comment priez-vous ? Comment prions-nous ? Qu’est-ce que le ramadan pour vous et le carême pour nous ? Qui est pour chacun Meriem ou Marie, et le prophète Issa que nous appelons Jésus ? Etc. En petits groupes, en famille, entre collègues de travail ou copains de l’université, on arrive à ce dialogue de la foi. Tout le monde ne se sent pas prêt pour cela, mais nous encourageons de plus en plus les chrétiens à se lancer dans ce domaine.

Finalement, en s’appuyant sur le dialogue de la vie, des œuvres et de la foi, nous pouvons parvenir à ce que nous faisons ici, dans ce pardon des Sept Dormants : le dialogue de la prière, la dimension mystique de cette attitude de rencontre : être ensemble pour prier, les uns écoutant les autres avec respect, en enrichissant notre prière avec celle de l’autre.

C’est ainsi qu’ici, aujourd’hui, nous célébrons l’eucharistie en tant que chrétiens ; puis nous irons devant le « Pilier de la Paix » pour méditer et réfléchir en écoutant la parole des personnes qui ne se reconnaissent pas comme croyants, nous terminerons par la récitation de la sourate de « La Caverne » du Coran, qui sera faite par nos frères musulmans dans un environnement si symbolique qu’est une source naturelle.

Le Notre père, la Fatiha et la réflexion silencieuse s’ajoutent pour élever vers Dieu notre supplication pour la fraternité et l’unité de toute la famille humaine. Continuons à célébrer tout cela dans ce sacrement de l’Eucharistie, le banquet auquel Dieu nous appelle et nous invite.

Cristobal, cardinal Lopez-Romero
Archevêque de Rabat (Maroc)

Lectures

1re lecture : « On mangera, et il en restera » du 2e livre des Rois (2 R 4, 42-44)
Psaume 144 « Tu ouvres la main, Seigneur : nous voici rassasiés ». (Ps 144, 10-11, 15-16, 17-18)
2e lecture : « Un seul Corps, un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême » de la Lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens - (Ep 4, 1-6)
Évangile selon Saint-Jean : « Il distribua les pains aux convives, autant qu’ils en voulaient » (Jn 6, 1-15)

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